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23 septembre 2007

Une parabole sur l'Eglise et l'inclusivité

C’était une contrée étendue, aux paysages variés, déjà explorée de longue date et pourtant encore mystérieuse, inattendue. Depuis longtemps, ceux qui peuplaient le pays avaient pris l’habitude de bâtir des hôtels et d’y résider. Il en existait maintenant des milliers, de tout type. 

Le plus important de ces hôtels était l’hôtel de l’Ouest. Pour beaucoup de ses résidents, c’était tout simplement l’Hôtel. Ainsi était-il exclusivement dénommé par le vieil homme à la robe blanche qui en avait la garde. Ce grand hôtel comportait deux types de chambres : celles à deux lits et celles à un lit pour les majordomes (sauf ceux qui connaissent les langues roumaine, ruthène ou égyptienne). On avait pendant longtemps interdit aux habitants de l’hôtel de l’Ouest de lire sans l’accompagnement d’un majordome le manuel du fondateur ; on se fiait aux interprétations qu’en avaient donné d’anciens majordomes. Leurs portraits continuaient à orner les murs des chambres et des couloirs. On trouvait un nombre impressionnant de ces portraits dans la dépendance : c’était un petit hôtel qui regroupait ceux qui n’entendaient pas que les commentaires du manuel soient lus dans une autre langue que le latin. Ils étaient respectés et même parfois un peu craints dans le grand hôtel. Les majordomes visitaient parfois les nombreuses chambres du vaste bâtiment mais peu de résidents se déplaçaient encore dans les grandes salles de restaurant. Beaucoup avaient choisi d’organiser leur chambre à leur guise, en dépit des rigoureuses recommandations du vieil homme à la robe blanche ; d’autres avaient décidé de ne plus y habiter et étaient devenus de facto des sans-domicile-fixes même s’ils tenaient beaucoup à être toujours considérés comme des clients de l’hôtel de l’Ouest. 

Sur la colline qui faisait face à l’hôtel de l’Ouest, se dressait l’hôtel de l’Orient. Il était assez rigoureusement semblable à l’hôtel de l’Ouest dans son aspect extérieur ; seul différait l’aménagement intérieur. Chaque étage correspondait à une langue différente et la majorité des chambres, même celles des majordomes, comportaient deux lits. Les résidents de l’hôtel de l’Orient l’appelaient le vrai hôtel et se refusaient farouchement à adresser la parole à ceux qui ne s’exprimaient pas dans leur langue. Mais ils acceptaient volontiers qu’on se déplace pour admirer les fresques qui ornaient le couloir ou pour entendre les antiques chants dont ils diffusaient partout les enregistrements. Mais cela ne suffisait pas à remplir les chambres. 

Ces deux grands et vénérables hôtels faisaient ombrage à de plus petits hôtels et prenaient ombrage de leur existence. Les hôtels de la restructuration avaient été fondés quand des majordomes et des résidents avaient retrouvé le manuel du fondateur. Ils n’étaient plus aujourd’hui les seuls à le lire mais eux avaient tiré de leur lecture un programme de restructuration plus ou moins radical. L’hôtel d’Angleterre avait ainsi reproduit la façade de l’hôtel de l’Ouest en en modernisant l’intérieur ; de manière générale, la gestion des petits hôtels était démocratique et les chambres confortables mais austères. Un excellent programme d’animation culturelle compensait la grande sobriété du décor. Beaucoup des petits hôtels étaient rattachés à la Fédération des petits hôtels et avaient instauré un conseil économique pour dialoguer avec les hôtels de l’Est et de l’Ouest. Mais malheureusement, seuls quelques majordomes et quelques résidents se sentaient concernés par ce dialogue ; certains, par contre, voulaient étendre ce dialogue aux autres contrées dont la géographie restait mystérieuse.

Dans le sillage des petits hôtels étaient nés ce que l’on appelait encore de très petits hôtels. Certains, assez anciens, avaient gagné quelque notoriété : on les décrivait comme d’agréables résidences pour qui aimait le silence ou voulait se retirer dans l’arrière-pays. D’autres gênaient par leur caractère très standardisé. Les hôtels du Royaume ou ceux des Pélerins des derniers jours prétendaient, à l’instar des deux grands hôtels, être les seules authentiques hôtelleries et pour cela se tenaient loin de tous les autres hôtels. De manière générale, les très petits hôtels ne jouissaient pas d’une bonne réputation. Le conseil économique les ignorait et l’association de défense des consommateurs menait à leur encontre une violente campagne : on les soupçonnait d’êtres d’infâmes lupanars, d’être exclusivement voués à l’enrichissement personnel d’un nombre restreint de majordomes ou de n’offrir sur les tables de leur restaurant qu’un plat unique. En fait, c’était leur succès qui dérangeait. Leurs chambres propres, d’aspect moderne même si elles avaient été élaborées à partir de vieux plans, séduisaient les foules qui s’y déplaçaient en nombre. Ceux qui en sortaient ne manquaient pas de dénoncer l’exiguité et l’inadaptation des chambres à tous les besoins qu’impliquait leur caractère très standardisé. 

Malgré une si grande diversité d’hôtels, beacoup préféraient garder leur statut de sans-domicile-fixes ou au moins en adopter le mode de vie. Il y avait aussi beaucoup de pélerins qui erraient d’hôtel en hôtel ou décidaient parfois de faire du camping sauvage sur les flancs des collines.

Certains résidents n’étaient bienvenus que dans très peu d’hôtels, notamment ceux qui préféraient les chambres à un grand lit ou ne pouvaient dormir que dans celles-ci : on les accusait de vouloir mener grand train quand ils ne cherchaient le plus souvent qu’une simple chambre. Un archéologue prétendait qu’il existait dans les sous-sols des grands hôtels des chambres à un grand lit mais presque toute la communauté hôtellière s’était liguée contre lui ; quelques petits hôtels avaient choisi d’offrir quelques chambres à un grand lit : beaucoup le faisaient cependant dans le secret ou tout au moins la discrétion car on savait que quelques petits hôtels avaient vu ce nouvel aménagement des chambres sanctionné.

jerusalemUn jour, des pélerins décidèrent de se raconter leurs itinérances et de faire un bout de chemin ensemble. Certains préféraient les chambres à un lit, d’autres les chambres à deux lits, d’autres encore les chambres à un grand lit mais aucun d’entre eux ne remettait en cause le droit de dormir. Ils choisirent de nourrir leurs échanges de la lecture du manuel du fondateur. Ils découvrirent avec stupeur qu’il n’avait jamais vécu à l’hôtel ; il était même écrit qu’au jour de sa naissance, ses parents n’ayant pu trouver de place dans aucune hôtellerie, avaient dû élire domicile dans une étable. Toute sa vie, il avait été pèlerin. Il avait promis de cheminer constamment avec chaque pèlerin et de se laisser découvrir dans le secret de chaque chambre par celles et ceux qui le cherchaient. Le manuel n’expliquait pas vraiment comment construire un hôtel. C’était plutôt une lettre d’amour adressée à tous, de quelque hôtel ou chemin qu’ils soient. Elle mettait à jour un des vrais besoins de tous les résidents, de tous les pélerins et même de tous les sans-domicile-fixes : celui de trouver la chaleur d’un foyer. En se racontant leur histoire, ils pouvaient identifier ce besoin au cœur de leur propre vie. Ils décidèrent donc d’accorder une importance particulière à l’accueil qu’ils se prodiguaient mutuellement ainsi quà quiconque croiserait leur route. On les accusa de chercher avant tout leur propre confort, d’être des téméraires qui ne savaient même pas comment construire un hôtel ou des ambitieux avides de se proclamer majordomes. Ils n’avaient qu’une seule réponse à toutes ces critiques : leur désir de voir tous ceux qui cherchaient le fondateur découvrir qu’il résidait là où ils choisissaient de s’installer même dans la précarité ou dans la marge. Car dans leur faiblesse, ils savaient que se manifestait la vraie puissance du fondateur, celle de son amour ; et dans leur marge, ils découvraient que rien ne pouvait les séparer de cet amour, ni eux ni aucun de ceux qu’ils côtoyaient ou croisaient brièvement. Et ils comprirent le sens de cette antique formule : « Il n’y avait pas d’hôtel dans la cité nouvelle car son hôtel c’était le fondateur ». Et ils se réjouirent en sa présence tous les jours de leur vie.

Jean Vilbas 

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Commentaires
T
Une belle parabole qui nous invite à accueillir notre prochain tel que Jésus l'a fait!
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