« Arrêtez et reconnaissez que je suis Dieu ! »
Beaucoup de textes bibliques au sujet de l’attente, à l’instar du psaume 42, lu tout à l’heure, l’envisagent comme expérience humaine : expérience de la carence et de l’absence, parfois de la détresse et du doute, tout au moins de la dépossession et de l’incertitude. C’est l’expérience qui peut culminer dans de cri déchirant du psalmiste, du prophète, de Job, des victimes sous l’autel de l’Apocalypse : « Jusques à quand, Seigneur … ».
L’attente envisagée quant à elle dans ce verset n’est pas dénuée de sens ; elle apparaît au contraire comme une limite imposée à l’agitation humaine et espace/temps où Dieu peut se découvrir.
La Bible ne condamne en rien l’activité humaine : nombre d’images de la vie spirituelle ne cessent d’y renvoyer avec ce qu’elle implique d’investissement et de persévérance et d’attente … Athlètes, maçons, agriculteurs, pêcheurs, ouvriers de la première et de la dernière heure ont leur place dans le Royaume de Dieu. Mais une autre thématique, celle de l’arrêt, de la pause, du repos se déploie, de l’expérience du peuple d’Israël à l’histoire de Jésus de Nazareth. S’arrêter, c’est marquer une pause face aux passions et aux pressions, c’est prendre le temps de la réflexion pour bien établir les priorités entre l’urgent et l’essentiel. C’est dire oui au temps et à ce qu’il contient de cohérence et de fidélité alors que toutes nos « urgences » ne contribuent souvent qu’à fragmenter nos vies et à les écarteler – comme l’univers en dissolution de ce psaume.
Trois thèmes se dégagent du psaume qui donnent à voir Dieu.
Le premier est celui de la citadelle. Le psaume qui a inspiré le célèbre cantique de Luther « Ein feste Burg ist unser Gott » - c’est un rempart que notre Dieu – est tout entier construit sur cette métaphore guerrière. Elle dit la sécurité de celui ou celle qui place sa confiance en Dieu au cœur du danger. Les images catastrophistes, dignes des meileurs films hollywoodiens, des versets 1 à 4 disent l’impression de chaos qui peut résulter de certaines situations. C’est précisément dans ces circonstances que peut s’expérimenter la stabilité de l’amour de Dieu donné en refuge. Cet abri ne se dresse pas fièrement mais est souvent découvert au cœur de l’épreuve.
Un deuxième thème, celui de la présence, est associé à celui de la citadelle. Dans la deuxième strophe du psaume, des versets 5 à 8, la sécurité de la cité de Dieu est précisément liée à sa présencee : « Dieu est en elle ; elle ne peut chanceller ». L’image du fleuve signale cette présence comme fécondante et donatrice de vie, a contrario du mugissement des eaux menaçantes et des peuples en révolte.
Le troisième thème, celui de la paix, termine le cheminement de se psaume de la terre au ciel et du ciel à la terre. L’image du Dieu pacificateur, qui met un terme aux conflits et brise les armes, est directement associée au verset sur lequel nous nous sommes arrêtés. C’est à la paix qu’il apporte que se reconnaît ce Dieu-là.
Mais vous me direz que nos attentes sont souvent dépourvues des découvertes occasionnées par l’attente que Dieu ordonne. Dans nos vies et dans ce monde, l’insécurité prend le pas sur la sécurité, le sentiment d’abandon sur l’expérience de la présence et la paix promise ne semble pas au rendez-vous quand les guerres font rage ! Comment s’arrêter et savoir reconnaître Dieu ? Où trouver Dieu dans de pareilles circonstances ? Suffit-il de marquer une pause ? En faisant référence au « Dieu de Jacob », le psalmiste invite à chercher sa trace dans l’histoire des hommes ; pour nous, chrétiens, le Dieu de Jacob est le Dieu de Jésus-Christ, celui qui se donne à voir dans la figure du Nazaréen.
Jésus de Nazareth est un refuge pour celles et ceux qui n’ont pas peur de reconnaître tout ce qui fait leur vie et qui entendent ses promesses : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos », « si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive », « je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi ». C’est en lui que l’amour inconditionnel de Dieu s’érige comme un rempart face à toutes les malédictions – mauvaises paroles – qui pèsent sur nos vies.
Jésus de Nazreth dit la présence de Dieu dans l’histoire des hommes d’une manière très spécifique. Il a partagé notre condition humaine, vécu notre vie, traversé notre mort et Dieu l’a relevé d’entre les morts ; il est à l’œuvre dans l’humanité tout entière et au cœur de cette humanité par le peuple qui se met en marche sous l’inspiration de l’Esprit.
Jésus de Nazareth est celui qui a dit : « je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix ; pas de la manière dont le monde la donne ». Cette paix n’est pas donnée à celles et ceux qui préparent la guerre mais à celles et ceux qui choisissent d’être, à la suite du Nazaréen, artisans de paix.
Une dernière remarque : il nous est rarement donné de discerner si nos attentes nous viennent de l’oeuvre de Dieu dans nos vies, des circonstances qui s’imposent à nous ou de nos propres torpeurs. Mais qu’il nous soit donné, dans toutes nos attentes, de chercher et de nous laisser trouver par ce Jésus de Nazareth.
Amen
Jean Vilbas, méditation apportée le 15 novembre 2008 lors de la célébration mensuelle de l'asso Rendez-vous chrétien à Lille.