Puis-je parler au nom de Celui / Celle qui donne la Vie, Celui / Celle qui porte
la douleur, Celui / Celle qui crée l’Amour. Amen.
C’est avec un très grand plaisir que je participe avec vous à cette célebration
à l’occasion de la «Pride». Que vous vous disiez chrétien(ne) ou pas, j’espère
que vous trouverez dans cet acte de révérence un certain encouragement, même un
défi. L’Esprit de Dieu est ici parmi nous, ouvrons donc nos cœurs pour voir où
Elle nous mène. Je suis lesbienne – et je suis disciple passionnée de Jésus Christ; cela
est une combinaison que certains chrétien(ne)s et certaines personnes de la
communauté LGBT trouvent difficile à comprendre.
Certains chrétiens utilisent souvent la Bible pour nous attaquer, pour saper notre
confiance, pour nous obliger à remettre en question le fait que Dieu nous aime,
que nous sommes de vrai(e)s disciples de Jésus. L’épître adressée par l’apôtre
Paul au chrétien(ne)s de Rome contient un passage qui est souvent cité comme étant
le raisonnement le plus fort contre des relations homosexuelles. Cependant, ce
n’est pas aujourd’hui que je propose d’éclaircir le vrai contexte historique et
social du raisonnement de Paul dans le texte en question. Si Paul était encore
en vie, j’imagine que – tout comme l’archevêque Desmond Tutu – il parlerait
haut et fort pour appuyer la cause des gens LGBT, et de nos pactes civils de
solidarité. Oui, vraiment !
Saviez-vous que la Bible contient sept avertissements adressés aux homosexuels, et plus de trois cents
avertissements adressés aux hétérosexuels. Cela ne veut pas dire que les
hétérosexuels sont plus immoraux que les homosexuels, mais que les
hétérosexuels ont plus besoin d’être surveillés!
Je voudrais me tourner vers un raisonnement stimulant au chapitre douze,
que nous avons lu tout à l’heure. Ce texte, beaucoup d’entre vous le
connaissent déjà. Pour nous, chrétien(ne)s de la communauté LGBT, qu’est-ce que
ça signifie de présenter nos corps comme sacrifice vivant à Dieu, de résister à
la conformité au monde qui nous entoure, et d’être transformé(e)s par le
renouvellement de nos esprits ? Comment pouvons-nous vivre en paix avec ceux
qui s’opposent à nous, allant même jusqu’à la violence ?
Paul incite ses lecteurs / lectrices à être contre-culturel(le)s, à
prendre l’initiative dans leur mode de vie, à ne pas recevoir de façon passive
et non critique les valeurs et idées d’autrui. Je vous propose que le fait
d’être une personne de foi chrétienne appartenant à une minorité sexuelle,
c’est d’avoir le potentiel de bouleverser à la fois la culture de la population
LGBT laïque, et la culture de l’église institutionnelle. Nous sommes ouvert(e)s
au fait que Dieu peut changer notre façon de penser; du même fait, Dieu peut
alors changer la façon dont nous agissons, dont nous ressentons des émotions.
Permettez-moi de vous dire ceci: je n’affirme pas que les chrétienne(e)s
LGBT ont toutes les réponses, que nous savons mieux que quiconque comment vivre
la vie. Ce que j’affirme, c’est que nous avons des dons à offrir à l’église et
à la population LGBT, si nous restons fidèles envers nous-mêmes et si nous
permettons à Dieu de renouveler nos esprits.
Le pas le plus important vers la transformation, c’est peut-être de
croire en la bonne nouvelle que Dieu nous annonce, de croire les «lettres
d’amour» que Dieu nous adresse et non pas au «courrier de la haine» de ceux qui
s’opposent à nous, non pas aux mensonges selon lesquels Dieu nous condamne.
Nous n’avons aucun texte qui nous parle de ce qu’a dit Jésus au sujet
des minorités sexuelles, mais nous pouvons lire que Dieu a tant aimé le monde
qu’Il a donné Son Fils, Jésus, afin que tous ceux et toutes celles qui croient
en Lui reçoivent la Vie Éternelle. Dieu a dit que nous sommes Ses amis si nous suivons Son Commandement
– mais qu’est-ce donc que ce Commandement, sinon d’aimer Dieu de tout notre
cœur et d’aimer notre prochain comme nous-mêmes ? Il a préféré s’associer aux
groupes minoritaires qui jouissaient d’une mauvaise réputation auprès des gens
religieux, et Il a osé dire que ces groupes seraient les premiers à entrer au
Royaume du Seigneur. Nous n’avons pas assez de temps pour citer toutes les
paroles de Jésus qui nous donnent la bienvenue et qui viennent nous inclure.
Vous pourriez bien dire que l’homophobie interiorisée est le démon le
plus destructif que nous pouvons chasser de nous-mêmes. Une fois que ce «démon»
a été exorcisé, nous pouvons respirer à pleins poumons l’Amour de Dieu qui
vient remplir l’espace vide, et nous pouvons continuer à respirer l’Amour de Dieu. Plus nous nous aimerons
nous-mêmes, plus chacun(e) de nous donnera un plaisir intense au Seigneur, plus
nous serons capables d’aimer les autres et de donner de preuves concrètes de
cet amour. Souvenez-vous des paroles de Jésus: nous ne pouvons aimer notre
prochain sans nous aimer nous-mêmes.
Mais n’est-il pas également vrai que Jésus a parlé du péché ? En effet,
Il en a parlé. Quand vous aimez quelqu’un et que vous savez que cette autre
personne vous aime, vous cherchez à plaire à la personne que vous aimez. Pour
moi, c’est là que nous pouvons commencer à apercevoir la nature destructive de
certains aspects de notre comportement, de nos attitudes. Pour moi, c’est ça,
le péché.
Cela ne veut pas dire que Jésus nous attend pour nous châtier, suivant
le faux modèle selon lequel les enfants reçoivent des menaces pour qu’ils se
comportent bien – pour qu’ils entrent dans la conformité. Jésus nous invite plutôt à délaisser l’égoïsme, qui
ne fait que tourner en rond. Jésus nous propose de ne plus nous servir des
autres pour notre propre gratification, de ne plus les traiter comme de simples
«commodités», comme des objets plutôt que des êtres humains créés à l’image de
Dieu. Jésus nous invite à rejeter notre manque de souci à l’égard des personnes
vulnérables et dans le besoin, à arrêter de croire que nous n’avons que peu de
valeur. Pour moi, ce sont les attitudes et comportements que nous sommes
invité(e)s à rejeter, les péchés dont nous devons nous repentir.
Comment donc être contre-culturel(le)s dans le contexte de la communauté
LGBT ? Comment résister à la conformité? Il serait peut-être mieux de parler de
«population LGBT», car les personnes LGBT manquent parfois d’un vrai sens communautaire.
La lecture de n’importe quelle revue «gaie» vous révèlera l’adoration
de la jeunesse dorée: en d’autres mots, à moins d’avoir un corps fait par
les anges, à moins d’être jeune, vigoureux / vigoureuse, et beau / belle, vous
n’avez point de valeur, vous n’êtes pas désirable, vous n’êtes pas fait(e) pour
être aimé(e). De telles anxiétés concernant son apparence physique se révèlent
également dans les «Courriers du Cœur»: va-t-on jamais m’aimer, suis-je trop
haut(e), trop court(e), trop maigre, trop gros(se), trop vieux / vieille..?
En tant que chrétien(ne)s, nous pouvons offrir l’opinion perspicace
selon laquelle la valeur d’une personne ne dépend nullement de l’apparence
physique ou de la situation financière ou de n’importe quel autre facteur
externe. Tout être humain, y compris les personnes LGBT, est créé à l’image de
Dieu donc tout être humain est d’une valeur infinie. En tant que chrétien(ne)s,
nous ne sommes pas obligé(e)s à participer au mensonge des valeurs
superficielles et nous pouvons offrir l’amour inconditionnel du Seigneur.
Le christianisme devrait être la religion la plus à l’aise avec le corps
humain. Nous avons au cœur même de notre foi cette transformation unique : Dieu
se fait chair dans le vrai «corps physique» de Jésus Christ. Lamentablement,
l’église démontre souvent une vision assez négative du corps humain, influencée
sans doute par les valeurs de la Grèce antique, des valeurs selon lesquelles «l’esprit» est
bon, et «la matière» est mauvaise.
De son côté, la société LGBT
n’est pas non plus très à l’aise pour ce qui touche au corps humain et semble
encourager un comportement autodestructeur. Par exemple, tout récemment j’ai lu
un article écrit dans la revue du groupe LGBTau sein de mon syndicat. L’auteur de l’article semblait prôner l’utilisation de
drogues lors des visites aux discothèques, et semblait suggérer que toute
personne n’en faisant pas autant était «anormale».
Est-ce qu’une personne se sent plus aimée et plus mise en valeur par le
biais des rencontres sexuelles anonymes, et tous les risques de santé qui vont
avec ? Il se peut que pour certaines personnes, de telles rencontres forment
une façon de chercher une intimité accrue, mais la «scène gaie» rend plus
difficile de trouver un moyen d’exprimer la vulnérabilité : quiconque se
présente comme étant vulnérable risque d’être exploité(e). La fixation sur le
corps entraîne l’exclusion de toute autre chose.
Paul écrit: «Je vous exhorte donc, frères et sœurs, par les compassions
de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu,
ce qui sera de votre part un culte raisonnable.» En tant que chrétien(ne)s
LGBT, nous pouvons tou(te)s offrir une compréhension de la sexualité qui est
riche, complexe, et incarnée, et qui peut augmenter notre capacité pour
l’intimité et l’amour.
Je voudrais me tourner brièvement vers le conseil que nous offre Paul à
la fin du chapitre douze de son Épître aux Romains, pour ce qui est de traiter
avec ceux / celles qui nous persécutent. Non seulement il nous exhorte à ne pas
les maudire ou à ne pas chercher la vengeance mais il nous dit que nous devons
faire tout ce qui est en notre pouvoir pour être charitable envers eux / elles.
Cela peut sembler un peu illogique, et je peux presque vous entendre
dire : «Mais Paul ne sait rien de ma vie, quand on me lance des injures
dans la rue, quand j’ai peur de la violence, quand je suis exclu(e) de diverses
façons de ma communauté ecclésiale. Çà ne peut pas se faire.»
Le défi qui nous est ici lancé, c’est celui de ne pas nous conformer aux
règles du jeu de la persécution. Notre modèle, c’est Jésus – vous comprenez
pourquoi Judas a tenté de forcer Jésus à réagir. Cependant, le Christ n’a pas
résisté à son arrestation et il a refusé de se prononcer lors du procès
juridique illégitime auquel il a été assujetti. Il n’allait pas être obligé à
jouer le jeu selon les règles établies par ses persécuteurs / persécutrices. Ce
thème appartient proprement à un autre sermon mais je vous dis que notre
réponse envers ceux et celles qui nous abusent, au-dedans de l’église ou en
dehors d’elle, cette réponse qui vient de nous peut elle-même être un
instrument de notre transformation.
En conclusion, je voudrais vous lire un poème écrit par Jim Cotter, un
prêtre de l’Église d’Angleterre qui vit ouvertement son homosexualité.
Etre ouvertement gai
c’est s’insurger –
contre le désordre de la violence,
contre une sexualité mâle désordonnée,
contre le mariage vu comme l’idéal doré pour tous,
contre les tabous du toucher,
surtout du toucher tendre entre hommes,
contre l’hétérosexualité vue comme la norme morale et spirituelle,
contre un ordre qui donne à l’homme tous les pouvoirs,
contre les lois sur la propriété et l’héritage basées
sur le sexe,
contre le contrôle par les centres de puissance,
contre les codes purement fondés sur de prétendus textes
sacrés,
contre les postulats inhérents à chaque institution
au sujet de personnes supérieures et
inférieures,
contre une société gouvernée par l’échelon et les
hiérarchies de domination.
L’appel à ceux qui ont la foi est d’être
robustes,
austères,
doux,
non-violents,
des adversaires
qui pardonnent.
Ce n’est pas une promesse de confort,
mais de justice,
et peut-être de gloire,
pas la gloire
des honneurs attribués par les puissances du monde,
mais la
gloire de l’amour partagé par des corps transfigurés.
Extrait de : «Un carquois plein», par Jim Cotter.
Voilà, mes ami(e)s : lors de cette célébration à l’occasion de la Marche des Fiertés, soyons
déterminé(e)s à ne pas nous conformer aux mensonges du monde religieux ou
encore aux mensonges de la «scène» LGBT, car les deux cherchent à nous nier la
plénitude de notre humanité. Soyons transformé(e)s, soyons des agents de la
transformation, pour que nous et nos prochains puissions vivre la vie
pleinement, pour que nous sachions que nous sommes aimé(e)s, que nous sommes
dignes d’êtres aimé(e)s, que nous pouvons aimer.
Amen
Brenda Harrison, méditation apportée à Lille lors de la Marche des Fiertés le 2 juin 2007